Linguistique et pédagogie
Acquisition et apprentissage des langues étrangères.
Dans cet article, je vous présente ma vision de l'apprentissage des langues étrangères qui se base sur "The Skill Acquisition Theory" et l'approche néo-contrastive. Vous pouvez me donner votre avis et échanger avec moi grâce au formulaire situé en bas de page.
1 | Acquisition et âge critique
a) La notion d’âge critique
Les enfants sauvages comme l’américaine Genie Willey ont apporté la preuve qu’il existait bel et bien une période dite 'critique’ en ce qui concerne l’acquisition de la langue maternelle chez l’être humain. En est-il de même pour l’acquisition des langues étrangères ? En effet, les linguistiques comme Noam Chomsky et Eric Lenneberg ont démontré que l’âge est un critère déterminant dans l’acquisition d’une seconde langue. En règle générale, il a été prouvé que plus un individu est jeune lorsqu’il est exposé à une seconde langue, plus il aura de chances d’atteindre les compétences linguistiques, morphosyntaxiques et phonologiques d’un locuteur natif. Plusieurs linguistes évoquent même un âge critique ou une « période sensible » dans l’acquisition d’une seconde langue qui se situerait autour de l’âge de 8 ans. Ce phénomène s’explique en partie par les facteurs biologiques qui affectent le cerveau durant la période de préadolescence. Selon le linguiste Noam Chomsky et d’autres chercheurs en linguistique, l’être humain est programmé génétiquement pour apprendre le langage. Ce serait pendant une ‘période biologique’ qui s’étalerait durant les premières années de sa vie que l’enfant apprendrait les paramètres pertinents qui lui permettront de maîtriser parfaitement sa langue maternelle. Selon le linguiste Eric Lenneberg, l’acquisition automatique à partir de la simple exposition à une langue donnée semble disparaître après la puberté. Ce phénomène s’explique en partie par le processus de latéralisation et par une perte de la plasticité cérébrale due à la maturation neurophysiologique du cerveau – plus particulièrement du centre de la parole – qui n’intervient et ne devient effective qu’au début de l’adolescence. Cette maturation neurophysiologique s’explique par le processus de myélinisation qui joue un rôle fondamental dans la spécialisation des structures cognitives propres aux langues.
Cette notion d’âge critique semblerait prendre tout son sens dans l’acquisition du système phonologique des langues. Pour le linguiste Tom Scovel, la prononciation et l’articulation du discours occuperaient un statut particulier puisque selon lui « la prononciation est la seule caractéristique du langage directement liée à ‘la motricité’ et qui repose sur une base et une programmation neuromusculaire » (Scovel 1988). Par conséquent, il avance la théorie selon laquelle les tentatives de maîtrise des patrons sonores spécifiques de la langue seconde seraient freinées par la latéralisation de la fonction du cortex apparaissant autour de la puberté. D’autres théories comme celle des linguistes Jim Flege et Petar Guberina viennent s’ajouter à cette explication neurobiologique. Selon eux, la perception des sons du langage serait figée vers l’âge de 7 ans selon l’effet du conditionnement de la langue maternelle. Les catégories phonétiques et les représentations mentales des sons se stabiliseraient vers l’âge de 7 ans. Après cet âge, c’est à travers le système de filtre de la langue maternelle que les phonèmes des langues étrangères sont perçus.
Les sons de la langue étrangère reçoivent une interprétation phonologiquement inexacte, puisqu’on les fait passer par le « crible phonologique » de sa propre langue. […] [C]e qu’on appelle l’« accent étranger » ne dépend pas du fait que l’étranger en question ne peut pas prononcer un certain son, mais plutôt du fait qu’il n’apprécie pas correctement ce son. Et cette fausse appréciation des sons d’une langue étrangère est conditionnée par la différence existant entre la structure phonologique de la langue étrangère et celle de la langue maternelle du sujet parlant. (Troubetzkoy 1949 : 54-56)
Ainsi les sons étrangers seront remplacés par les sons propres à notre langue maternelle. C’est le cas pour le phonème /θ/ spécifique à la langue anglaise qui, lorsqu’il est prononcé par un francophone, tend à être remplacé par les sons /s/ ou /f/. Vers l’âge de 10 ans, ces substitutions phonétiques deviennent quasiment systématiques.
Cette notion d’âge critique semblerait prendre tout son sens dans l’acquisition du système phonologique des langues. Pour le linguiste Tom Scovel, la prononciation et l’articulation du discours occuperaient un statut particulier puisque selon lui « la prononciation est la seule caractéristique du langage directement liée à ‘la motricité’ et qui repose sur une base et une programmation neuromusculaire » (Scovel 1988). Par conséquent, il avance la théorie selon laquelle les tentatives de maîtrise des patrons sonores spécifiques de la langue seconde seraient freinées par la latéralisation de la fonction du cortex apparaissant autour de la puberté. D’autres théories comme celle des linguistes Jim Flege et Petar Guberina viennent s’ajouter à cette explication neurobiologique. Selon eux, la perception des sons du langage serait figée vers l’âge de 7 ans selon l’effet du conditionnement de la langue maternelle. Les catégories phonétiques et les représentations mentales des sons se stabiliseraient vers l’âge de 7 ans. Après cet âge, c’est à travers le système de filtre de la langue maternelle que les phonèmes des langues étrangères sont perçus.
Les sons de la langue étrangère reçoivent une interprétation phonologiquement inexacte, puisqu’on les fait passer par le « crible phonologique » de sa propre langue. […] [C]e qu’on appelle l’« accent étranger » ne dépend pas du fait que l’étranger en question ne peut pas prononcer un certain son, mais plutôt du fait qu’il n’apprécie pas correctement ce son. Et cette fausse appréciation des sons d’une langue étrangère est conditionnée par la différence existant entre la structure phonologique de la langue étrangère et celle de la langue maternelle du sujet parlant. (Troubetzkoy 1949 : 54-56)
Ainsi les sons étrangers seront remplacés par les sons propres à notre langue maternelle. C’est le cas pour le phonème /θ/ spécifique à la langue anglaise qui, lorsqu’il est prononcé par un francophone, tend à être remplacé par les sons /s/ ou /f/. Vers l’âge de 10 ans, ces substitutions phonétiques deviennent quasiment systématiques.
b) Apprentissage versus Acquisition
Depuis quelques années, on considère que l’apprentissage des langues étrangères serait plus efficace à travers la mise en place d’un ‘bain linguistique’ qui favoriserait un apprentissage par imprégnation et imitation. Cette théorie de la ‘pseudo bulle linguistique’ dans laquelle serait confiné l’apprenant se base sur les grands principes d’acquisition du langage chez l’enfant et se fonde donc sur un apprentissage subconscient de la L2. Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’acquisition automatique d’une langue à partir de la simple exposition semble disparaître après la puberté. Il convient donc de faire la différence entre le processus d’acquisition et le processus d’apprentissage des langues étrangères. Après un certain âge, qui se situerait autour de la préadolescence, l’apprentissage d’une langue étrangère fait appel à un processus conscient, explicite et à un effort analytique. Cela suppose donc la réflexion chez l’apprenant et la mise en place de savoirs sur la langue cible et sur ses emplois. Or, les moments de réflexion sur la langue tels qu’ils sont définis par l’approche communicative ne sont que peu nombreux et de courte durée. Ils sont souvent relégués en fin d’heure dans le but de « ne pas freiner la dynamique du cours ». Or, l’apprentissage d’une langue requiert un effort conscient et laborieux qui s’étale dans la durée. Après 7 ans, les apprenants mettent en place des mécanismes explicites d’apprentissage qui font intervenir une analyse, une conceptualisation et une réflexion consciente sur la langue qu’ils manipulent. Pour l’adolescent et l’adulte, apprendre une langue étrangère implique des réflexions linguistiques, des analyses syntaxiques et des résolutions de problèmes. Les références à des règles constituent, selon de nombreux linguistes, un passage obligé dans l’apprentissage des langues étrangères. Elles permettent de mieux comprendre le fonctionnement et le système de cette langue. De plus, l’application de règles explicites permet à l’apprenant d’évaluer sa progression dans l’apprentissage de la langue et lui permet d’acquérir une certaine autonomie puisqu’il devient capable de produire par ce moyen des phrases sur lesquelles il exerce un certain contrôle. Aussi, rappelons que l’apprentissage et l’application de règles peuvent s’avérer très rassurants pour l’apprenant.
Une langue n’est pas seulement une science, un art, c’est aussi, c’est surtout une habitude, habitude qu’on n’acquiert, comme toutes les autres, que par un long entraînement.
Ainsi, ces analyses nous montrent que même s’il existe bien des processus subconscients et des mécanismes d’apprentissages naturels du langage chez l’enfant, ces mécanismes et paramètres requièrent un temps d’exposition à la L2 qu’il semble difficile de mettre en pratique en contexte scolaire. Selon McLaughlin[1], l’acquisition de la langue maternelle bénéficie d’un temps d’exposition qui s’élève à environ 9 000 heures. L’enseignement d’une langue étrangère en contexte scolaire de la 6ème à la Terminale, à raison de 3 heures par semaine et 34 semaines par an et pour une classe qui utiliserait la langue cible constamment en cours, ne représente qu’un temps d’exposition de 714 heures. De plus, les paramètres biologiques qui permettent l’acquisition subconsciente du langage semblent disparaître aux alentours de l’âge de 7 ans. Il est donc scientifiquement impossible de baser l’enseignement des langues vivantes uniquement sur un apprentissage implicite. Comme l’a clairement expliqué Robert Bley-Vroman dans son étude intitulée « Fundamental Difference Hypothesis »: « The acquisition process undergone by children and adults is fundamentally different because children possess the innate ability to inuit the L1 grammar, whereas adults have lost this ability and thus need to resort to problem solving and conscious attention to handle L2 learning » (Bley-Vroman cité par Lourdes Ortega: 24). Or, la notion de ‘bain linguistique’ encouragée par l’approche actionnelle s’approche clairement de l’approche immersive. Certes, ces deux pédagogies ne sont pas équivalentes mais l’approche actionnelle autorise un recours très limité à la langue maternelle et encourage à aborder les notions culturelles et grammaticales dans la langue cible. Elle vise à recréer des situations authentiques de communication en langue étrangère et préconise une appropriation des règles grammaticales à travers des mécanismes d’apprentissages intuitifs. Ces règles, tout comme l’analyse contrastive, sont souvent abordées à posteriori après une longue manipulation des éléments langagiers. Nous aurons l’occasion de revenir en détails sur cette problématique à la suite de mon développement.
[1] McLaughlin B., « Second language learning in children », Psychological Bulletin 84 (1977): 438-459.
Une langue n’est pas seulement une science, un art, c’est aussi, c’est surtout une habitude, habitude qu’on n’acquiert, comme toutes les autres, que par un long entraînement.
Ainsi, ces analyses nous montrent que même s’il existe bien des processus subconscients et des mécanismes d’apprentissages naturels du langage chez l’enfant, ces mécanismes et paramètres requièrent un temps d’exposition à la L2 qu’il semble difficile de mettre en pratique en contexte scolaire. Selon McLaughlin[1], l’acquisition de la langue maternelle bénéficie d’un temps d’exposition qui s’élève à environ 9 000 heures. L’enseignement d’une langue étrangère en contexte scolaire de la 6ème à la Terminale, à raison de 3 heures par semaine et 34 semaines par an et pour une classe qui utiliserait la langue cible constamment en cours, ne représente qu’un temps d’exposition de 714 heures. De plus, les paramètres biologiques qui permettent l’acquisition subconsciente du langage semblent disparaître aux alentours de l’âge de 7 ans. Il est donc scientifiquement impossible de baser l’enseignement des langues vivantes uniquement sur un apprentissage implicite. Comme l’a clairement expliqué Robert Bley-Vroman dans son étude intitulée « Fundamental Difference Hypothesis »: « The acquisition process undergone by children and adults is fundamentally different because children possess the innate ability to inuit the L1 grammar, whereas adults have lost this ability and thus need to resort to problem solving and conscious attention to handle L2 learning » (Bley-Vroman cité par Lourdes Ortega: 24). Or, la notion de ‘bain linguistique’ encouragée par l’approche actionnelle s’approche clairement de l’approche immersive. Certes, ces deux pédagogies ne sont pas équivalentes mais l’approche actionnelle autorise un recours très limité à la langue maternelle et encourage à aborder les notions culturelles et grammaticales dans la langue cible. Elle vise à recréer des situations authentiques de communication en langue étrangère et préconise une appropriation des règles grammaticales à travers des mécanismes d’apprentissages intuitifs. Ces règles, tout comme l’analyse contrastive, sont souvent abordées à posteriori après une longue manipulation des éléments langagiers. Nous aurons l’occasion de revenir en détails sur cette problématique à la suite de mon développement.
[1] McLaughlin B., « Second language learning in children », Psychological Bulletin 84 (1977): 438-459.
2 | Les limites de l’approche immersive
Le degré de compétence des apprenants et la nature des activités menées en classe semblent conditionner de façon importante le recours à la langue première. Les activités de production engendrent des changements de langues et des recours à la langue maternelle fréquents, initiés le plus souvent par des élèves qui rencontrent des difficultés à s’exprimer directement dans la langue cible, à trouver le mot juste ou l’expression adéquate. Certes, le professeur devrait encourager l’élève à adopter des stratégies de compensation et à utiliser un synonyme ou une expression périphrastique lorsqu’il se trouve en difficulté. Le problème avec cette démarche est que l’élève éprouve le sentiment que le professeur n’attache pas de réelle importance à son propos, à son contenu mais plutôt à la forme. L’élève a donc l’impression que le professeur ne s’intéresse pas à ce qu’il a à dire mais plutôt à la manière dont il va le dire. D’une certaine façon, ces stratégies de compensation (utiliser un synonyme ou un mot déjà connu pour exprimer une idée complexe) renvoie l’apprenant à un état d’infantilisation (au sens propre : infans, « qui ne parle pas »). Cet état est difficile à assumer pour un adolescent de 16 / 17 ans. Dans son ouvrage, Véronique Castellotti rapporte les propos d’une enseignante à ce sujet. Elle affirme : « [Les élèves] n’ont pas la langue de 16 ou 17 ans. Ils ont l’intelligence et la curiosité d’esprit de jeunes de 16 ou 17 ans, mais ils n’ont pas la langue de 16 ou 17 ans, et ça c’est aussi difficile pour eux. Non seulement ils doivent parler, mais ils doivent parler dans un idiome qui ne correspond pas à leur âge mental (…) » (Castellotti 2001 : 50). L’approche actionnelle favorise donc le « tout anglais ». Lorsqu’un élève ne comprend pas le sens d’un mot, le professeur essaie de le reformuler en anglais en utilisant un synonyme ou une expression périphrastique pour que l’élève puisse en inférer le sens. Ce refus de traduire le mot en question en français conduit souvent à une perte de précision et d’exactitude. Il m’est déjà arrivé d’entendre une élève de seconde demander à son professeur : « Que veut dire le mot ‘crew’ en français ? ». Le professeur lui répond : « you know, a crew is a group of people ». Le problème avec cette explication est que l’on perd totalement le sens du mot ‘crew’. Il ne s’agit pas d’un ‘groupe de personnes’ puisqu’il serait impossible de dire ‘a rugby crew’. Indirectement, l’élève est amenée à utiliser l’expression dans des contextes inappropriés. Certes, cela ne nuit en aucun cas à la compréhension et à la communication mais il ne s’agit pas d’un emploi idiomatique tel qu’il pourrait être entendu dans un pays anglophone.
De plus, le fait que la langue maternelle (ici le français) soit partagée avec un haut de degré de compétence par l’ensemble des élèves - et très souvent par le professeur lui-même - renforce donc son emploi. Dans un contexte scolaire (institutionnel), la langue 1 est la langue de référence et de communication dans la classe. Les autres apprentissages (sciences, Histoire / Géographie) se font en français. Ce phénomène vient donc s’ajouter à l’artificialité déjà existant de la situation scolaire que Véronique Castellotti résume dans son ouvrage en ces termes : « … un élève français, dans un établissement français, dans une salle de classe française, soudain une porte s’ouvre, un monsieur ou une dame entre [le professeur de langue], ce sont des Français et hop il va falloir se mettre à parler une langue étrangère » (Castellotti 2001 : 51). De plus, n’oublions pas que la langue source (la langue maternelle) constitue un point de départ pour les apprenants. D’un point de vue pédagogique, il est important de rappeler que la construction des connaissances est un processus dynamique, où l’apprenant se sert de ses connaissances antérieures comme d’un échafaudage sur lequel pourront prendre assise de nouveaux savoirs et de nouvelles connaissances. Les élèves abordent donc l’inconnu, ici la langue cible, à travers le prisme de leurs connaissances et de leurs acquis antérieurs. C’est donc sur la langue maternelle que les élèves vont prendre appui pour aborder l’apprentissage des langues étrangères.
Outre les réalités scolaires, la représentation qu’ont les élèves des langues pose un réel problème quant à l’application de l’approche immersive. C’est à partir du processus que nous venons d’évoquer, où le connu et le familier sert de point d’évaluation et de comparaison, que naissent ces représentations des langues. Les adolescents ont la plupart du temps une vision et une conception dictionnairique des langues. Pour eux, la langue source est un catalogue de mots, la langue cible en est un deuxième, en correspondance terme-à-terme avec le premier. Comme l’affirme un grand nombre de mes élèves, ils ne peuvent s’empêcher de préparer leur phrase en français dans leur tête avant de la traduire dans la langue cible en ajoutant, je cite, « un <-ing> à la fin des verbes pour faire ‘plus anglais’ ». Cette conception figée et très restrictive du fonctionnement des langues favorise certaines dérives comme le recours au « calque » ou à la traduction mot à mot auxquels les élèves ont très souvent recourt lors des activités de production écrite. Cela donne lieu à des phrases du type : ‘He is go’ (au lieu de « he went »). Souvent dans leur esprit, trois mots en français équivalent forcément à trois mots en anglais. Il apparaît donc nécessaire, dans une démarche contrastive, de faire accepter aux élèves le fonctionnement différencié des langues en leur montrant que la langue anglaise est une langue beaucoup plus concise que le français.
Il semblerait que la démarche actionnelle reprenne certains principes d’acquisition de la langue maternelle. Cet enseignement des langues basé sur l’acquisition favorise la mise en œuvre d’un ‘apprentissage[1]’ inductif de la grammaire. Cette méthode inductive s’appuie sur quelques cas particuliers (paradigmes de formes et séries d’exemples en contexte) pour extraire une formule générale sans que l’enseignant ait réellement à l’expliquer au préalable. En pratique, les élèves partent de l’observation linguistique de plusieurs phrases et expressions qu’ils analysent et manipulent pour en déduire une « règle ». Ce type de raisonnement s’avère être très pertinent en ce qui concerne l’apprentissage de la langue maternelle. C’est ce qu’on appelle en linguistique ‘the abductive reasoning’. On part d’un résultat, puis on évoque une loi et on dit que quelque chose est probablement vrai. Pour que ce type de raisonnement fonctionne, il faut que l’enfant qui apprend le langage soit ‘baigné’ dans un environnement dans lequel cette langue est constamment pratiquée. De plus, comme nous avons pu le démontrer précédemment, il est essentiel de prendre en compte l’âge des apprenants. Dans le cas du ‘abductive reasoning’, l’apprenant est surtout l’enfant qui apprend sa langue maternelle. Cet enfant possède des capacités innées, une prédisposition naturelle à l’apprentissage des langues. Ce sont des paramètres génétiques dont nous héritons tous. Cette acquisition automatique à partir de la simple exposition à une langue donnée semble disparaître après la puberté, comme l’affirme E. Lenneberg. Ainsi, selon lui, les langues étrangères devraient être apprises à travers un effort conscient et laborieux - c’est à dire un apprentissage et non une acquisition.
L’approche actionnelle s’articule autour d’une « tâche », un projet concret à réaliser. Il est certes indéniable que la pédagogie de projet place l’apprenant au cœur de son apprentissage et permet de développer l’autonomie. Il est cependant nécessaire, dans la pratique, de veiller à la faisabilité du projet. Si le projet reste une utopie, alors l’élève se trouve démotivé. Aussi, l’action doit être motivée par un objectif ou un besoin concret – personnel ou suscité par la situation d’apprentissage. Il n’y a tâche que lorsque l’élève est motivé par l’action proposée. Par ailleurs, une tâche ne peut se définir comme réellement actionnelle que lorsqu’elle sort du cadre scolaire et institutionnel. Trop souvent, les tâches ne demeurent qu’artificielles et l’apprenant n’est pas réellement placé en situation de communication authentique. L’apprentissage doit faire sens pour lui. Le fait d’apprendre par cœur des répliques pour un débat préparé en amont ne fait que créer une situation de communication artificielle voire illusoire. De plus, le côté ludique des tâches qui est censé être source de motivation pour les élèves peut s’avérer avoir l’effet inverse. Une étude a révélé que ce côté ‘trop ludique’ amène certains étudiants de Grandes Ecoles à Paris à sécher le cours d’anglais. « A l’École nationale des Chartes, à Paris, les cours de langue ont mauvaise réputation :
"Tout le monde sèche, c’est n’importe quoi les cours de langue", reconnaît Alice, élève en première année à l’École. S’il y a un cours que l’on peut bien sécher, c’est le cours de langue. Même chose à l’École polytechnique, où le cours d’anglais est le plus susceptible de passer à la trappe dans l’emploi du temps. "Le professeur nous proposait de rejouer en cours des scènes de la série télévisée américaine How I Met Your Mother", se souvient Julie, polytechnicienne. "Quand le cours est trop cool, on a un peu l’impression qu’on se moque de nous."[2]
Cela dit, il va sans dire que le plaisir d’apprendre apparaît comme un élément essentiel dans tout apprentissage. J’aimerais donc aborder, dans ce dernier point, le facteur de la motivation qui s’avère être un élément-clé dans la réussite éducative. Motivés et stimulés par le désir d’apprendre, les élèves partent donc avec un avantage lorsqu’ils s’initient à une langue vivante étrangère.
[1] Apprentissage apparaît entre guillemet puisqu’il s’agit plus ici d’un processus d’acquisition que d’apprentissage.
[2] Citation extraite d’un article de France-Amérique, rubrique éducation, publié le 16 décembre 2014.
http://www.france-amerique.com/articles/2014/12/16/print/pourquoi_les_francais_sont-ils_nuls_en_anglais.html
De plus, le fait que la langue maternelle (ici le français) soit partagée avec un haut de degré de compétence par l’ensemble des élèves - et très souvent par le professeur lui-même - renforce donc son emploi. Dans un contexte scolaire (institutionnel), la langue 1 est la langue de référence et de communication dans la classe. Les autres apprentissages (sciences, Histoire / Géographie) se font en français. Ce phénomène vient donc s’ajouter à l’artificialité déjà existant de la situation scolaire que Véronique Castellotti résume dans son ouvrage en ces termes : « … un élève français, dans un établissement français, dans une salle de classe française, soudain une porte s’ouvre, un monsieur ou une dame entre [le professeur de langue], ce sont des Français et hop il va falloir se mettre à parler une langue étrangère » (Castellotti 2001 : 51). De plus, n’oublions pas que la langue source (la langue maternelle) constitue un point de départ pour les apprenants. D’un point de vue pédagogique, il est important de rappeler que la construction des connaissances est un processus dynamique, où l’apprenant se sert de ses connaissances antérieures comme d’un échafaudage sur lequel pourront prendre assise de nouveaux savoirs et de nouvelles connaissances. Les élèves abordent donc l’inconnu, ici la langue cible, à travers le prisme de leurs connaissances et de leurs acquis antérieurs. C’est donc sur la langue maternelle que les élèves vont prendre appui pour aborder l’apprentissage des langues étrangères.
Outre les réalités scolaires, la représentation qu’ont les élèves des langues pose un réel problème quant à l’application de l’approche immersive. C’est à partir du processus que nous venons d’évoquer, où le connu et le familier sert de point d’évaluation et de comparaison, que naissent ces représentations des langues. Les adolescents ont la plupart du temps une vision et une conception dictionnairique des langues. Pour eux, la langue source est un catalogue de mots, la langue cible en est un deuxième, en correspondance terme-à-terme avec le premier. Comme l’affirme un grand nombre de mes élèves, ils ne peuvent s’empêcher de préparer leur phrase en français dans leur tête avant de la traduire dans la langue cible en ajoutant, je cite, « un <-ing> à la fin des verbes pour faire ‘plus anglais’ ». Cette conception figée et très restrictive du fonctionnement des langues favorise certaines dérives comme le recours au « calque » ou à la traduction mot à mot auxquels les élèves ont très souvent recourt lors des activités de production écrite. Cela donne lieu à des phrases du type : ‘He is go’ (au lieu de « he went »). Souvent dans leur esprit, trois mots en français équivalent forcément à trois mots en anglais. Il apparaît donc nécessaire, dans une démarche contrastive, de faire accepter aux élèves le fonctionnement différencié des langues en leur montrant que la langue anglaise est une langue beaucoup plus concise que le français.
Il semblerait que la démarche actionnelle reprenne certains principes d’acquisition de la langue maternelle. Cet enseignement des langues basé sur l’acquisition favorise la mise en œuvre d’un ‘apprentissage[1]’ inductif de la grammaire. Cette méthode inductive s’appuie sur quelques cas particuliers (paradigmes de formes et séries d’exemples en contexte) pour extraire une formule générale sans que l’enseignant ait réellement à l’expliquer au préalable. En pratique, les élèves partent de l’observation linguistique de plusieurs phrases et expressions qu’ils analysent et manipulent pour en déduire une « règle ». Ce type de raisonnement s’avère être très pertinent en ce qui concerne l’apprentissage de la langue maternelle. C’est ce qu’on appelle en linguistique ‘the abductive reasoning’. On part d’un résultat, puis on évoque une loi et on dit que quelque chose est probablement vrai. Pour que ce type de raisonnement fonctionne, il faut que l’enfant qui apprend le langage soit ‘baigné’ dans un environnement dans lequel cette langue est constamment pratiquée. De plus, comme nous avons pu le démontrer précédemment, il est essentiel de prendre en compte l’âge des apprenants. Dans le cas du ‘abductive reasoning’, l’apprenant est surtout l’enfant qui apprend sa langue maternelle. Cet enfant possède des capacités innées, une prédisposition naturelle à l’apprentissage des langues. Ce sont des paramètres génétiques dont nous héritons tous. Cette acquisition automatique à partir de la simple exposition à une langue donnée semble disparaître après la puberté, comme l’affirme E. Lenneberg. Ainsi, selon lui, les langues étrangères devraient être apprises à travers un effort conscient et laborieux - c’est à dire un apprentissage et non une acquisition.
L’approche actionnelle s’articule autour d’une « tâche », un projet concret à réaliser. Il est certes indéniable que la pédagogie de projet place l’apprenant au cœur de son apprentissage et permet de développer l’autonomie. Il est cependant nécessaire, dans la pratique, de veiller à la faisabilité du projet. Si le projet reste une utopie, alors l’élève se trouve démotivé. Aussi, l’action doit être motivée par un objectif ou un besoin concret – personnel ou suscité par la situation d’apprentissage. Il n’y a tâche que lorsque l’élève est motivé par l’action proposée. Par ailleurs, une tâche ne peut se définir comme réellement actionnelle que lorsqu’elle sort du cadre scolaire et institutionnel. Trop souvent, les tâches ne demeurent qu’artificielles et l’apprenant n’est pas réellement placé en situation de communication authentique. L’apprentissage doit faire sens pour lui. Le fait d’apprendre par cœur des répliques pour un débat préparé en amont ne fait que créer une situation de communication artificielle voire illusoire. De plus, le côté ludique des tâches qui est censé être source de motivation pour les élèves peut s’avérer avoir l’effet inverse. Une étude a révélé que ce côté ‘trop ludique’ amène certains étudiants de Grandes Ecoles à Paris à sécher le cours d’anglais. « A l’École nationale des Chartes, à Paris, les cours de langue ont mauvaise réputation :
"Tout le monde sèche, c’est n’importe quoi les cours de langue", reconnaît Alice, élève en première année à l’École. S’il y a un cours que l’on peut bien sécher, c’est le cours de langue. Même chose à l’École polytechnique, où le cours d’anglais est le plus susceptible de passer à la trappe dans l’emploi du temps. "Le professeur nous proposait de rejouer en cours des scènes de la série télévisée américaine How I Met Your Mother", se souvient Julie, polytechnicienne. "Quand le cours est trop cool, on a un peu l’impression qu’on se moque de nous."[2]
Cela dit, il va sans dire que le plaisir d’apprendre apparaît comme un élément essentiel dans tout apprentissage. J’aimerais donc aborder, dans ce dernier point, le facteur de la motivation qui s’avère être un élément-clé dans la réussite éducative. Motivés et stimulés par le désir d’apprendre, les élèves partent donc avec un avantage lorsqu’ils s’initient à une langue vivante étrangère.
[1] Apprentissage apparaît entre guillemet puisqu’il s’agit plus ici d’un processus d’acquisition que d’apprentissage.
[2] Citation extraite d’un article de France-Amérique, rubrique éducation, publié le 16 décembre 2014.
http://www.france-amerique.com/articles/2014/12/16/print/pourquoi_les_francais_sont-ils_nuls_en_anglais.html
3 | Vers une approche néo-contrastive
a) Les influences de la L1 et les influences interlinguistique.
Comme l’écrit Véronique Castellotti, l’apprentissage d’une langue se fait plus par l’usage que par « les règles » qui, cependant, « doivent aider et confirmer l’usage » (Castellotti 2001 : 15). Il ne s’agit donc pas de prétendre ici que le cours de langue doit se faire en français, au contraire, mais il ne faut pas oublier que le français constitue la langue de référence par laquelle s’opèrent les explications de faits linguistiques. Il est primordial que le cours d’anglais se déroule en anglais dans sa majeure partie. Cela dit, rappelons que les apprenants, lorsqu’ils abordent l’apprentissage d’une langue étrangère en contexte scolaire, sont la plupart du temps monolingues. La langue première se positionne donc comme véritable matrice dans le processus d’appropriation d’une langue étrangère. Prétendre que les élèves peuvent réussir à se détacher de leur langue maternelle lorsqu’ils entrent dans la salle de cours ne relève que de l’illusion. Certains professeurs demandent à leurs élèves ‘d’arrêter de penser en français’ lorsqu’ils sont amenés à aborder une activité pédagogique puis à formuler une phrase. Cela dit, il est impossible d’affirmer qu’à l’adolescence un élève va pouvoir adopter un processus de bilinguisme (c’est-à-dire penser et réfléchir en langue étrangère), surtout s’il est exposé à la langue étrangère à raison de cinq heures par semaine maximum. Beaucoup d’élèves ne bénéficient pas non plus d’un environnement socio-culturel qui les ouvre à la culture, aux voyages en famille, au visionnage du film en version originale qui leur permettrait de progresser dans une langue étrangère en dehors du cadre scolaire. La langue maternelle est la langue de référence dans les autres cours ce qui lui confère un poids supplémentaire. De surcroît, signalons qu’une mauvaise maîtrise de la langue première peut freiner l’apprentissage de la langue étrangère. Comme le rapporte une enseignante : « La difficulté c’est qu’ils ne connaissent pas leur langue maternelle, ils ne comprennent pas comment elle fonctionne. […] c’est la méconnaissance de la grammaire française bien souvent qui fait que lorsqu’ils commencent une langue en sixième, ils se heurtent à des difficultés grammaticales dans une langue étrangère […] » (Castellotti 2001 : 82). Il est par conséquent important de se détacher de l’idée que l’on apprend une langue de manière exclusive, selon un processus autonome et en rejetant les autres pratiques langagières des apprenants. Apprendre une langue étrangère c’est aussi enrichir les connaissances que l’on possède sur sa propre langue, prendre conscience de son fonctionnement, de ses mécanismes et améliorer de façon effective les compétences dans chacune des langues. Apprendre une langue étrangère consiste à devenir un sujet plurilingue. Comme l’affirme Véronique Castellotti, l’apprenant doit être capable de « puiser dans les ressources multiples de son répertoire les moyens de s’exprimer, de communiquer, de s’identifier et de comprendre l’autre dans des situations diversifiées » (Castellotti 2001 : 106). L’enseignement de la grammaire en cours de langue étrangère est sujet à de nombreux débats. L’approche actionnelle favorise, comme nous avons pu l’évoquer précédemment, un apprentissage inductif de la grammaire. Cela dit, les psycholinguistes qui s’intéressent de près à l’acquisition des langues ont démontré que les apprenants qui avaient bénéficié d’un enseignement raisonné de la grammaire d’une langue étrangère progressaient plus rapidement et étaient capables d’utiliser un langage plus élaboré et plus précis que ceux qui avaient bénéficié d’un apprentissage inductif. « Instructed learners progress at a faster rate, they are likely to develop more elaborate language repertoires and they typically become more accurate than uninstructed learners » (Ortega 2009: 139). Des chercheurs ont démontré que des personnes pratiquant l’anglais quotidiennement, mais qui n’avaient pas bénéficié d’un enseignement raisonné de la grammaire, possédaient une moins bonne maîtrise du marqueur du prétérit <-ed> que ceux en ayant bénéficié. De plus, après avoir interrogé 38 apprenants soumis à l’apprentissage inductif de la grammaire et ayant pratiqué la langue étrangère quotidiennement pendant 6 ans, une étude a révélé que la syntaxe et l’ordre des mots en anglais sont maîtrisés par seulement 25% d’entre eux, comparé à environ 40% de 48 élèves de lycée en Italie à la suite d’un enseignement explicite et raisonné de la grammaire pendant 4 ans.[1]
[1] “Pavesi found that only about 25 percent of 38 naturalistic learners with six years on average of living in the L2 environment were capable of producing object of preposition relative clause in English, whereas the same stage had been reached by about 40 per cent of 48 high school students in Italy with an average of only four years of foreign language instruction” (Ortega 2009: 139).
[1] “Pavesi found that only about 25 percent of 38 naturalistic learners with six years on average of living in the L2 environment were capable of producing object of preposition relative clause in English, whereas the same stage had been reached by about 40 per cent of 48 high school students in Italy with an average of only four years of foreign language instruction” (Ortega 2009: 139).
b) Les réalités du contexte scolaire et instituionnel
Les réalités du contexte institutionnel (nombre d’heures, classes surchargées) nous montrent bien que le professeur de langue étrangère est amené à faire des « raccourcis » dans l’enseignement de sa discipline. Par ailleurs, les groupes de compétences en secondes qui, certes, permettent de mieux cibler les difficultés des élèves et donc de leur apporter un enseignement adapté, renforcent le côté artificiel de la situation de communication. De plus, il est important de prendre en compte le regard que porte l’apprenant sur la discipline et sur la langue étrangère qu’il étudie. De nombreux élèves affirment ressentir des sentiments d’appréhension, de tension et parfois même de peur lorsqu’ils sont amenés à prendre la parole en langue étrangère devant leurs pairs : ‘I always feel that the other students speak the foreign language better than I do’ (Ortega 2009 : 200). Rappelons que nous avons à faire à des adolescents qui se trouvent, pour la majeure partie, en grande insécurité intérieure. Il est donc indispensable pour l’enseignant de rassurer l’élève en faisant preuve de bienveillance. De plus, l’interrogation orale en début de cours durant laquelle l’élève doit réciter devant l’ensemble du groupe classe ce qui a été vu lors de la séance précédente ne fait que renforcer ce sentiment d’anxiété et d’insécurité. Cette interrogation orale de début de cours est perçue par les élèves comme une véritable « torture ». Pendant mon année de stage, j’ai invité une amie anglophone à intervenir dans mon cours auprès d’une classe de seconde. Elle a été très surprise par cette interrogation orale et m’a dit à la fin de la séance : « Pourquoi t’es-tu tant acharné sur un élève devant tout le monde ? ». En effet, l’élève en question ne sachant pas son cours, je lui avais posé quelques questions pour l’aider à obtenir quelques points. Cette discussion m’a amené à réfléchir sur cette pratique qui s’est tant banalisée dans les cours de langues. Moi-même, lorsque j’étais élève, je me souviens que nous étions tous très anxieux en entrant dans la salle de cours – même en ayant appris notre leçon – car nous savions que l’un d’entre nous allait devoir passer à l’oral devant tout le monde. Un tel sentiment d’appréhension et d’anxiété ne permet pas, selon moi, de placer l’élève dans un climat serein et propice à l’apprentissage. Comme l’affirme Lourdes Ortega dans son étude sur ce qu’elle appelle ‘Foreign Language Anxiety’: ‘High-anxiety foreign language students exhibit many symptoms, but the most common ones are two: freezing up when asked to say something in the L2 in front of the class, and blanking on the right answers during a language test despite having studied hard and even knowing the answers’ (Ortega 2009: 200). En tant que stagiaire en responsabilité dans un lycée, j’ai moi-même eu l’occasion d’être confronté à ce genre de situation dans laquelle une élève sérieuse et qui connait parfaitement son cours se retrouve tétanisée lorsqu’il s’agit de s’exprimer en anglais devant ses camarades. Il est donc important pour l’enseignant d’éviter la mise en œuvre d’activités qui pourraient encourager de tels ressentis chez les élèves. Il est primordial que l’élève adopte un regard positif sur la langue à apprendre dans le but de favoriser son apprentissage. « This is a robust indication that high, debilitating levels of anxiety do interfere with academic achievement in foreign language classes » (Ortega 2009: 201).
L’approche communicative tend à uniformiser les pratiques pédagogiques en se positionnant comme référence plébiscitée par le corps inspectoral. Mais cela ne conduit-il pas à oublier de prendre en compte les différents profils d’apprentissage qui, en France avec les différentes filières (L, ES, S par exemple), s’avèrent être un élément essentiel dans l’élaboration des pratiques pédagogiques ? En effet, les élèves de la filière S au profil, pour la plupart, très scientifique ont souvent besoin de règles précises pour progresser. La maîtrise puis l’application de règles leur permet d’évaluer leur progression. Ces règles répondent aux besoins communicatifs des élèves. De plus, nous pouvons dire que la grammaire correspond souvent au profil scientifique puisqu’elle s’apparente à la résolution de problèmes. L’élève doit mobiliser ses connaissances antérieures pour résoudre un nouveau problème grammatical. Néanmoins, l’approche communicative n’écarte pas totalement la grammaire qu’elle présente sous le label « réflexion sur la langue »... (laissez moi rire...). Il est conseillé d’introduire ces pauses réflexives en fin de séance, juste après la trace écrite. Cela dit, ces réflexions sont les moments qui, selon moi, requièrent la plus grande attention car elles se basent sur un processus analytique faisant appel aux capacités de réflexion des élèves. Il s’agit dans ces moments-là de théoriser, d’expliciter et d’aboutir à l’ébauche d’une règle grammaticale. Il est par conséquent clair que dix minutes en fin de séance, quand les élèves viennent de passer 40 minutes à réfléchir sur un document et à élaborer une trace écrite, ne suffisent pas à mettre en place une démarche contrastive efficace et pertinente entre les deux langues.
Je pense qu’il serait plus judicieux d’introduire de courtes pauses réflexives sur la langue – quand cela s’y prête – pendant le cours. Certes, cela pourrait être perçu comme un frein quant à la dynamique et la progression du cours mais ces pauses permettraient aux apprenants de mieux s’approprier un nouvel aspect de la langue. Un élève retient une structure ou une règle grammaticale quand elle fait sens pour lui. C’est donc en manipulant, en analysant et en comprenant sur l’instant que l’apprenant peut s’approprier ces nouvelles structures. Une analyse de dix minutes (souvent même moins) en fin de cours quand les élèves sont fatigués et voient leur attention fortement diminuée est strictement inutile.
Certains professeurs se voient même obligés d’introduire un point de langue ; ce qui s’avère être très artificiel. Il apparaît donc important de fournir des règles claires aux apprenants pour développer leurs connaissances et leur maîtrise de la langue et donc leur permettre d’être plus précis lorsqu’ils s’expriment. « In the absence of rules, low-level associative learning is certainly possible. This kind of learning draws on data-driven processes supported by memory. With rules, learning proceeds by drawing on controlled operations and conceptually driven processes supported by conscious attention. » (Ortega 2009: 107).
L’approche communicative tend à uniformiser les pratiques pédagogiques en se positionnant comme référence plébiscitée par le corps inspectoral. Mais cela ne conduit-il pas à oublier de prendre en compte les différents profils d’apprentissage qui, en France avec les différentes filières (L, ES, S par exemple), s’avèrent être un élément essentiel dans l’élaboration des pratiques pédagogiques ? En effet, les élèves de la filière S au profil, pour la plupart, très scientifique ont souvent besoin de règles précises pour progresser. La maîtrise puis l’application de règles leur permet d’évaluer leur progression. Ces règles répondent aux besoins communicatifs des élèves. De plus, nous pouvons dire que la grammaire correspond souvent au profil scientifique puisqu’elle s’apparente à la résolution de problèmes. L’élève doit mobiliser ses connaissances antérieures pour résoudre un nouveau problème grammatical. Néanmoins, l’approche communicative n’écarte pas totalement la grammaire qu’elle présente sous le label « réflexion sur la langue »... (laissez moi rire...). Il est conseillé d’introduire ces pauses réflexives en fin de séance, juste après la trace écrite. Cela dit, ces réflexions sont les moments qui, selon moi, requièrent la plus grande attention car elles se basent sur un processus analytique faisant appel aux capacités de réflexion des élèves. Il s’agit dans ces moments-là de théoriser, d’expliciter et d’aboutir à l’ébauche d’une règle grammaticale. Il est par conséquent clair que dix minutes en fin de séance, quand les élèves viennent de passer 40 minutes à réfléchir sur un document et à élaborer une trace écrite, ne suffisent pas à mettre en place une démarche contrastive efficace et pertinente entre les deux langues.
Je pense qu’il serait plus judicieux d’introduire de courtes pauses réflexives sur la langue – quand cela s’y prête – pendant le cours. Certes, cela pourrait être perçu comme un frein quant à la dynamique et la progression du cours mais ces pauses permettraient aux apprenants de mieux s’approprier un nouvel aspect de la langue. Un élève retient une structure ou une règle grammaticale quand elle fait sens pour lui. C’est donc en manipulant, en analysant et en comprenant sur l’instant que l’apprenant peut s’approprier ces nouvelles structures. Une analyse de dix minutes (souvent même moins) en fin de cours quand les élèves sont fatigués et voient leur attention fortement diminuée est strictement inutile.
Certains professeurs se voient même obligés d’introduire un point de langue ; ce qui s’avère être très artificiel. Il apparaît donc important de fournir des règles claires aux apprenants pour développer leurs connaissances et leur maîtrise de la langue et donc leur permettre d’être plus précis lorsqu’ils s’expriment. « In the absence of rules, low-level associative learning is certainly possible. This kind of learning draws on data-driven processes supported by memory. With rules, learning proceeds by drawing on controlled operations and conceptually driven processes supported by conscious attention. » (Ortega 2009: 107).
c) Alternances et usages de la L1 en tant que ‘pauses structurantes'
Il apparaît donc essentiel de ne pas négliger l’enseignement de la grammaire en cours de langue étrangère. Il ne faut pas non plus hésiter à avoir recours à la langue maternelle dans le but d’expliquer avec précision et de manière concise certains faits de langues. La grammaire décrit des phénomènes réels. Les élèves doivent être capables de catégoriser les éléments qu’ils manipulent en langue étrangère. Il ne faut donc pas laisser l’analyse méthodique de la langue, de ses spécificités et de phénomènes grammaticaux de côté au risque de ne développer que des habitudes. Si l’apprenant n’est pas amené à produire un raisonnement sur la langue qu’il apprend, il ne développera pas de réelles compétences mais seulement des habitudes. L’approche communicative chasse souvent la L1 et entraîne par conséquent une stigmatisation de la langue maternelle. Rappelons l’injonction souvent entendue dans les classes de langue « No French, please ! ». La langue maternelle étant reléguée au second plan – voire même parfois exclue du cours de langue – l’apprenant se prive de toute analyse comparative explicite et approfondie qui lui permettrait de progresser plus rapidement. Ce « tabou » de la langue maternelle en classe ainsi que la restriction des activités qui s’appuient sur une démarche contrastive ne permettent pas aux élèves de développer leur raisonnement linguistique puisqu’ils ne développent que des habitudes. Certes, l’approche communicative rend l’élève capable de « fonctionner » dans la langue puisqu’il dispose de formules toutes faites, figées qu’il a apprises mais sans vraiment distinguer les différentes unités de sens qui composent ces énoncés. En interrogeant de nombreux élèves, je me suis rendu compte qu’ils ne faisaient que réciter des énoncés appris par cœur sans comprendre les mots qui le composent. Ils savent que lorsque je dis « How are you ? » je leur demande s’ils vont bien. Cela dit, ils ne peuvent transférer ce savoir puisqu’ils ne savent pas que ‘how’ signifie ‘comment’. Ainsi, ils se retrouvent plus tard à me demander ‘Monsieur, comment on dit ‘comment’ en anglais ?’. Comme l’ont très bien résumé Gilles Forlot et Jacques Beaucamp dans leur article ‘Heurs et Malheurs de la proximité linguistique dans l’enseignement de l’anglais au primaire’, « (…) ces énoncés préfabriqués sont mémorisés mécaniquement sous forme d’ensembles constitués et restent au niveau de la restitution d’énoncés appris en blocs. (…) Un tel apprentissage favorise chez l’élève une vision juxtapositive de la L2 qui gomme toute saillance, masque la cohérence interne de la L2 et ne permet pas un apprentissage spiralaire de la langue étrangère » (Beaucamp et Forlot 2008 : 3).
Ainsi, ne faudrait-il pas accroître le temps de cours consacré à l’analyse contrastive de la langue pour permettre aux élèves de mieux s’approprier les différentes unités qui composent les énoncés dans le but de pouvoir les transférer dans d’autres contextes ? Je propose donc d’intégrer des « pauses structurantes » durant la séance qui peuvent reprendre dans une langue ce qui a été dit dans une autre. Cela peut prendre la forme de traductions, de reformulations, d’explications ou de résumés. Ces pauses pourront permettre à l’apprenant de mieux fixer les savoirs et aux élèves en difficulté de rattraper pour mieux suivre le cours. L’alternance langue maternelle / langue cible permet de mettre en œuvre un travail explicite de comparaison entre les langues. Ces analyses métalinguistiques favorisent la remise en question des représentations sur les langues partagées par les apprenants. En d’autres termes, il est prouvé que développer la connaissance des langues, de leurs différences et de leurs similarités, évite à l’apprenant d’avoir recours au mot à mot lorsqu’il cherche à s’exprimer en langue étrangère. Ce travail métalinguistique montre à l’apprenant que la technique du mot à mot conduit le plus souvent à des aberrations. Il permet aussi de développer ses compétences en langue étrangère tout comme dans sa langue maternelle.
Ainsi, ne faudrait-il pas accroître le temps de cours consacré à l’analyse contrastive de la langue pour permettre aux élèves de mieux s’approprier les différentes unités qui composent les énoncés dans le but de pouvoir les transférer dans d’autres contextes ? Je propose donc d’intégrer des « pauses structurantes » durant la séance qui peuvent reprendre dans une langue ce qui a été dit dans une autre. Cela peut prendre la forme de traductions, de reformulations, d’explications ou de résumés. Ces pauses pourront permettre à l’apprenant de mieux fixer les savoirs et aux élèves en difficulté de rattraper pour mieux suivre le cours. L’alternance langue maternelle / langue cible permet de mettre en œuvre un travail explicite de comparaison entre les langues. Ces analyses métalinguistiques favorisent la remise en question des représentations sur les langues partagées par les apprenants. En d’autres termes, il est prouvé que développer la connaissance des langues, de leurs différences et de leurs similarités, évite à l’apprenant d’avoir recours au mot à mot lorsqu’il cherche à s’exprimer en langue étrangère. Ce travail métalinguistique montre à l’apprenant que la technique du mot à mot conduit le plus souvent à des aberrations. Il permet aussi de développer ses compétences en langue étrangère tout comme dans sa langue maternelle.
Conclusion
La grande difficulté dans l’apprentissage d’une langue étrangère en contexte institutionnel réside dans le fait que l’objet d’appropriation est en même temps le moyen de communication utilisé pour parvenir à cet apprentissage. Le changement d’une langue à l’autre a trop souvent été jugé négatif voire néfaste par de nombreux courants didactiques. Je considère qu’il est important de mettre un terme à ce « tabou de la langue maternelle » et ce « mythe du tout anglais ». De nombreux facteurs sont à prendre en compte dans l’élaboration des pratiques pédagogiques. Il est primordial de faire preuve de flexibilité, de pragmatisme et d’adaptation. Une classe de 20 premières littéraires sera certainement beaucoup plus réceptive au « tout anglais » qu’une classe composée de 30 élèves de filière technologique. De plus, l’enseignement inductif de la grammaire fonctionne lorsque l’apprenant adopte lui-même un regard analytique sur les formes qu’il entend et qu’il emploie. Un tel apprentissage requiert une certaine autonomie ainsi qu’une bonne capacité de réflexion chez l’apprenant. Le contexte institutionnel, les classes aux effectifs souvent trop nombreux, le faible temps d’exposition à la langue cible (2 heures hebdomadaires en Première S) et les pré-acquis des élèves conduisent souvent le professeur à adapter ses pratiques pédagogiques. Je considère qu’il est important de n’exclure personne dans le cours. Certains élèves ont besoin de plus d’explications et d’un accompagnement personnalisé pour parvenir à un apprentissage satisfaisant.
Ma pédagogie repose sur l’idée qu’un usage modéré de la langue maternelle en classe de langue étrangère permet aux élèves de développer ce qu’il convient d’appeler une meilleure « prise de conscience linguistique ». Je ne me considère pas seulement comme un professeur d’anglais mais plutôt un professeur de langues. Ainsi, mon but est certes de développer chez les élèves une certaine autonomie en situation de communication, d’éveiller leur conscience culturelle mais aussi de les amener à adopter une observation réfléchie. L’éveil à la proximité linguistique entre la langue source et la langue cible est un élément essentiel dans l’apprentissage des langues étrangères.
En somme, je considère qu’il est important de revoir la place de la langue maternelle en cours de langue et de mettre en place – avec modération – une technique de « code-switching » ou « d’alernance codique ». En d’autres termes, il est peut-être judicieux de favoriser l’approche contrastive dans un milieu scolaire. Cela dit, tout est une question de nuances. Il est clair que l’enseignant doit faire un usage modéré de la langue maternelle puisque l’on apprend une langue en la pratiquant. Le pragmatisme est une qualité essentielle pour un enseignant de langue. Comme nous l’avons précédemment évoqué, les méthodes d’apprentissages diffèrent selon l’âge des apprenants. Il faut donc adapter ses pratiques pédagogiques face au public concerné. Un élève de terminale a probablement besoin d’un effort plus conscient, plus analytique et laborieux dans l’apprentissage d’une langue étrangère qu’un élève de primaire âgé de 7 ans.
Le faible temps d’exposition à la langue conduit l’enseignant à établir des raccourcis dans l’apprentissage des langues étrangères. Enfin, l’absence de grammaire raisonnée ne fait que développer chez l’apprenant ce qu’il convient d’appeler un langage figé (« formulaic language »), c’est à dire, l’utilisation de phrases et expressions figées, apprises par cœur sans comprendre les unités de sens qui les composent.
J’estime donc qu’il est primordial – dans le but d’aboutir à un enseignement réfléchi et pertinent – d’adopter une double dimension qui lierait la dimension communicative, la dimension contrastive et l’observation réfléchie des faits de langue. « En effet, observer, c’est bien, mais comprendre et transférer, c’est mieux »
Ma pédagogie repose sur l’idée qu’un usage modéré de la langue maternelle en classe de langue étrangère permet aux élèves de développer ce qu’il convient d’appeler une meilleure « prise de conscience linguistique ». Je ne me considère pas seulement comme un professeur d’anglais mais plutôt un professeur de langues. Ainsi, mon but est certes de développer chez les élèves une certaine autonomie en situation de communication, d’éveiller leur conscience culturelle mais aussi de les amener à adopter une observation réfléchie. L’éveil à la proximité linguistique entre la langue source et la langue cible est un élément essentiel dans l’apprentissage des langues étrangères.
En somme, je considère qu’il est important de revoir la place de la langue maternelle en cours de langue et de mettre en place – avec modération – une technique de « code-switching » ou « d’alernance codique ». En d’autres termes, il est peut-être judicieux de favoriser l’approche contrastive dans un milieu scolaire. Cela dit, tout est une question de nuances. Il est clair que l’enseignant doit faire un usage modéré de la langue maternelle puisque l’on apprend une langue en la pratiquant. Le pragmatisme est une qualité essentielle pour un enseignant de langue. Comme nous l’avons précédemment évoqué, les méthodes d’apprentissages diffèrent selon l’âge des apprenants. Il faut donc adapter ses pratiques pédagogiques face au public concerné. Un élève de terminale a probablement besoin d’un effort plus conscient, plus analytique et laborieux dans l’apprentissage d’une langue étrangère qu’un élève de primaire âgé de 7 ans.
Le faible temps d’exposition à la langue conduit l’enseignant à établir des raccourcis dans l’apprentissage des langues étrangères. Enfin, l’absence de grammaire raisonnée ne fait que développer chez l’apprenant ce qu’il convient d’appeler un langage figé (« formulaic language »), c’est à dire, l’utilisation de phrases et expressions figées, apprises par cœur sans comprendre les unités de sens qui les composent.
J’estime donc qu’il est primordial – dans le but d’aboutir à un enseignement réfléchi et pertinent – d’adopter une double dimension qui lierait la dimension communicative, la dimension contrastive et l’observation réfléchie des faits de langue. « En effet, observer, c’est bien, mais comprendre et transférer, c’est mieux »