Une introduction à l'apprentissage des langues étrangères
Comment bien apprendre ? Mythes et réalités
Avant-propos
Cet article s’adresse aux élèves, étudiants et autres personnes intéressées par l’apprentissage des langues étrangères (L2). Il comporte de nombreuses citations extraites de mon travail de recherche universitaire : La place du français en cours de langue étrangère. La première partie revient sur certains mythes concernant l’apprentissage des langues. Je tâche d’expliquer les raisons pour lesquelles ces affirmations sont erronées et ne peuvent être prises au sérieux. La deuxième partie de cet article revient sur la différence entre l’acquisition et l’apprentissage d’une langue – deux processus fondamentalement différents mais malheureusement trop souvent confondus. Enfin, j’explique les processus engagés dans l’apprentissage et le développement de compétences linguistiques. J’espère que ces quelques informations vous aideront à mieux cerner ces phénomènes, et que les comprendre vous guidera dans votre apprentissage de l’anglais.
Cet article s’adresse aux élèves, étudiants et autres personnes intéressées par l’apprentissage des langues étrangères (L2). Il comporte de nombreuses citations extraites de mon travail de recherche universitaire : La place du français en cours de langue étrangère. La première partie revient sur certains mythes concernant l’apprentissage des langues. Je tâche d’expliquer les raisons pour lesquelles ces affirmations sont erronées et ne peuvent être prises au sérieux. La deuxième partie de cet article revient sur la différence entre l’acquisition et l’apprentissage d’une langue – deux processus fondamentalement différents mais malheureusement trop souvent confondus. Enfin, j’explique les processus engagés dans l’apprentissage et le développement de compétences linguistiques. J’espère que ces quelques informations vous aideront à mieux cerner ces phénomènes, et que les comprendre vous guidera dans votre apprentissage de l’anglais.
I- Quelques mythes qui ont la vie dure
- « C’est bon, je connais ma leçon ».
- « Je peux faire deux choses à la fois : je suis multitâche… »
- « Je travaille mieux dans le bruit… »
- « Le mythe du bain linguistique à l’école… » Un professeur qui parle uniquement en anglais dans la classe est idéal pour que les lycéens apprennent plus vite.
1- Le facteur biologique (le plus important).
Depuis quelques années, on considère que l’apprentissage des langues étrangères serait plus efficace à travers la mise en place d’un « bain linguistique » qui favoriserait un apprentissage par imprégnation et imitation. Cette théorie de la « pseudo bulle linguistique »[2] dans laquelle serait confiné l’apprenant se base sur les grands principes d’acquisition du langage chez l’enfant et se fonde donc sur un apprentissage subconscient de la langue étrangère. Or, selon le linguiste Eric Lenneberg, l’acquisition automatique à partir de la simple exposition à une langue donnée semble disparaître après la puberté. Ce phénomène s’explique en partie par le processus de latéralisation et par une perte de la plasticité cérébrale due à la maturation neurophysiologique du cerveau – plus particulièrement du centre de la parole – qui n’intervient et ne devient effective qu’au début de l’adolescence. Cette maturation neurophysiologique s’explique par le processus de myélinisation qui joue un rôle fondamental dans la spécialisation des structures cognitives propres aux langues. Ainsi, l’acquisition automatique d’une langue à partir de la simple exposition semble disparaître après la puberté. Il convient donc de faire la différence entre le processus d’acquisition et le processus d’apprentissage des langues étrangères – ce que nous allons expliquer ci-dessous.
2- Les facteurs temps et contextuel
Bien qu’il existe des processus subconscients et des mécanismes d’apprentissages naturels du langage chez l’enfant (moins chez l’adolescent et encore moins chez l’adulte, en tout cas en ce qui concerne l’apprentissage des langues étrangères), ces mécanismes et paramètres requièrent un temps d’exposition à la langue cible qu’il semble difficile de mettre en pratique en contexte scolaire. Selon McLaughlin[3], l’acquisition de la langue maternelle bénéficie d’un temps d’exposition qui s’élève à environ 9 000 heures. L’enseignement d’une langue étrangère en contexte scolaire de la 6ème à la Terminale, à raison de 3 heures par semaine (même si au lycée c’est souvent 2 heures) et 34 semaines par an et pour une classe qui utiliserait la langue cible constamment en cours, ne représente qu’un temps d’exposition de 714 heures.
Pour vous donner un exemple concret, prenons le contexte du lycée André Malraux : 2.75 heures d’anglais par semaines pour les secondes (2 heures seulement pour les premières et terminales n’ayant pas choisi la spécialité anglais), cela représente :
- 93.5 heures pour les secondes
- 68 heures pour les premières et terminales (n’ayant pas choisi la spécialité anglais).
Enfin, les paramètres biologiques qui permettent l’acquisition subconsciente du langage semblent disparaître aux alentours de l’âge de 7 ans. Il est donc scientifiquement impossible de baser l’enseignement des langues vivantes uniquement sur un apprentissage implicite. Comme l’a clairement expliqué Robert Bley-Vroman dans son étude intitulée « Fundamental Difference Hypothesis »: The acquisition process undergone by children and adults is fundamentally different because children possess the innate ability to inuit the L1 grammar, whereas adults have lost this ability and thus need to resort to problem solving and conscious attention to handle L2 learning (Bley-Vroman cité par Lourdes Ortega: 24).
[1] Jean-Luc Berthier, Frédéric Guilleray, Gégoire Borst, Mickaël Desnos, Les neurosciences cognitives dans la classe, ESF Sciences Humaines, 2018.
[2] C’est moi qui la nomme ainsi.
[3] McLaughlin B., « Second language learning in children », Psychological Bulletin 84 (1977): 438-459.
II- La différence entre apprentissage et acquisition
L’apprentissage explicite après la puberté
Comme je l’ai dit précédemment, l’acquisition automatique d’une langue à partir de la simple exposition semble disparaître après la puberté. Il convient donc de faire la différence entre le processus d’acquisition et le processus d’apprentissage des langues étrangères. Après un certain âge, qui se situerait autour de la préadolescence, l’apprentissage d’une langue étrangère fait appel à un processus conscient, explicite et à un effort analytique. Cela suppose donc la réflexion chez l’apprenant et la mise en place de savoirs sur la langue cible et sur ses emplois. L’apprentissage d’une langue requiert un effort conscient et laborieux qui s’étale dans la durée. Après 7 ans, les apprenants mettent en place des mécanismes explicites d’apprentissage qui font intervenir une analyse, une conceptualisation et une réflexion consciente sur la langue qu’ils manipulent. Pour l’adolescent et l’adulte, apprendre une langue étrangère implique des réflexions linguistiques, des analyses syntaxiques et des résolutions de problèmes.
Les références à des règles constituent, selon de nombreux linguistes, un passage obligé dans l’apprentissage des langues étrangères. Elles permettent de mieux comprendre le fonctionnement et le système de celle-ci.
Les références à des règles constituent, selon de nombreux linguistes, un passage obligé dans l’apprentissage des langues étrangères. Elles permettent de mieux comprendre le fonctionnement et le système de celle-ci.
Une langue n’est pas seulement une science, un art, c’est aussi, c’est surtout une habitude, habitude qu’on acquiert, comme toutes les autres, que par un long entraînement. Il faut donc, par des répétitions fréquentes, rapprochées, accoutumer l’élève à ces sons nouveaux, à leur émission correcte. Il faut qu’il n’ait plus besoin, pour en retrouver la signification, d’un temps, d’une réflexion, d’un effort de mémoire ; mais au contraire, à l’instant même où son oreille est frappée par ces sons, que son esprit perçoive l’idée, saisisse le sens qu’ils portent en eux. (Puren : 09)
Les adolescents et adultes qui apprennent l’anglais en France, dans un cadre institutionnel, doivent viser l’efficacité. En d’autres termes, le peu de temps attribué au cours de langue nous contraint d’aller à l’essentiel. Nous ne nous situons pas dans le contexte « d’acquisition » mais dans celui « d’apprentissage ».
La place du français en cours de langue étrangère
En apprenant une langue étrangère, il est important de comparer avec sa langue maternelle. Le français se positionne comme véritable matrice dans le processus d’appropriation de la langue étrangère. Il est illusoire de prétendre que l’on puisse se détacher du français lorsque l’on apprend une langue étrangère. Bien au contraire, il est nécessaire d’adopter une démarche « contrastive ». C’est-à-dire qu’il faut comparer le système anglais avec le système français afin de mieux comprendre leurs différences et leurs ressemblances. Rappelons au passage qu’une mauvaise maîtrise du français freine inéluctablement l’apprentissage de la langue seconde.
La grammaire, la phonologie, le vocabulaire
Vous pouvez certes vous faire comprendre ponctuellement en disant « Moi cherche essence » mais vous ne comprendrez pas la personne qui vous répond. Apprendre une langue, c’est aussi et surtout communiquer et créer du lien avec son interlocuteur. Or, vous ne pouvez créer du lien qu’en maîtrisant la grammaire, le vocabulaire et la phonologie. Il faut d’abord savoir pour comprendre : « comprendre repose sur la connaissance précise d’élément stockés en mémoire sémantique à long terme (…) » [1]
La grammaire permet de structurer la pensée. Elle permet de construire des phrases ayant un sens précis et nuancé. La grammaire décrit les règles d’usage qu’il est impératif de suivre pour parler et écrire une langue correctement.
Un vocabulaire riche permet de s’exprimer le plus clairement possible. Les mots décrivent des réalités, des idées, des concepts, des émotions, des sentiments, etc…. Sans une connaissance parfaite de ces mots et de leurs sens, il est impossible de communiquer efficacement. Il est donc essentiel d’apprendre du lexique. C’est une tâche parfois pénible mais à laquelle il est impossible de se soustraire.
La phonologie est elle aussi fondamentale. Une langue se parle avant de s’écrire. Une mauvaise prononciation peut conduire à des incompréhensions, des quiproquos. Confondre les /I/ (court) et /i:/ (long) en anglais peut s’avérer très préjudiciable… surtout si vous cherchez la plage. Encore une fois, les règles phonologiques sont intuitives pour les locuteurs natifs (je reviendrai sur ce point dans ma dernière partie). Mais elles doivent cependant être méthodiquement explicitées, analysées et apprises par les élèves qui souhaitent développer leurs compétences langagières. Les règles d’accentuation des mots sont intuitives pour les anglophones. Inutile de réfléchir pour savoir que le mot « record » se prononcera différemment en fonction qu’il soit nom ou verbe. Ils le savent car ces règles ont été intuitivement apprises et « acquises » dès leur plus jeune âge. Il n’en est pas de même pour les adolescents et adultes francophones soucieux d’apprendre l’anglais correctement, car ce qu’un francophone comprend avec le plus de peine, dans la langue anglaise, c’est bien sa prononciation. Il est donc essentiel d’apprendre du vocabulaire, des règles grammaticales et phonologiques. Mais les apprendre une fois n’est pas suffisant. L’apprentissage doit s’inscrire dans la durée et ces nouveaux savoirs ont besoin d’être sollicités, consolidés et ancrés dans notre mémoire procédurale. C’est ce dont nous allons parler dans cette dernière partie.
[1] Jean-Luc Berthier, Frédéric Guilleray, Gégoire Borst, Mickaël Desnos, Les neurosciences cognitives dans la classe, ESF Sciences Humaines, 2018. C’est moi qui souligne.
La grammaire permet de structurer la pensée. Elle permet de construire des phrases ayant un sens précis et nuancé. La grammaire décrit les règles d’usage qu’il est impératif de suivre pour parler et écrire une langue correctement.
Un vocabulaire riche permet de s’exprimer le plus clairement possible. Les mots décrivent des réalités, des idées, des concepts, des émotions, des sentiments, etc…. Sans une connaissance parfaite de ces mots et de leurs sens, il est impossible de communiquer efficacement. Il est donc essentiel d’apprendre du lexique. C’est une tâche parfois pénible mais à laquelle il est impossible de se soustraire.
La phonologie est elle aussi fondamentale. Une langue se parle avant de s’écrire. Une mauvaise prononciation peut conduire à des incompréhensions, des quiproquos. Confondre les /I/ (court) et /i:/ (long) en anglais peut s’avérer très préjudiciable… surtout si vous cherchez la plage. Encore une fois, les règles phonologiques sont intuitives pour les locuteurs natifs (je reviendrai sur ce point dans ma dernière partie). Mais elles doivent cependant être méthodiquement explicitées, analysées et apprises par les élèves qui souhaitent développer leurs compétences langagières. Les règles d’accentuation des mots sont intuitives pour les anglophones. Inutile de réfléchir pour savoir que le mot « record » se prononcera différemment en fonction qu’il soit nom ou verbe. Ils le savent car ces règles ont été intuitivement apprises et « acquises » dès leur plus jeune âge. Il n’en est pas de même pour les adolescents et adultes francophones soucieux d’apprendre l’anglais correctement, car ce qu’un francophone comprend avec le plus de peine, dans la langue anglaise, c’est bien sa prononciation. Il est donc essentiel d’apprendre du vocabulaire, des règles grammaticales et phonologiques. Mais les apprendre une fois n’est pas suffisant. L’apprentissage doit s’inscrire dans la durée et ces nouveaux savoirs ont besoin d’être sollicités, consolidés et ancrés dans notre mémoire procédurale. C’est ce dont nous allons parler dans cette dernière partie.
[1] Jean-Luc Berthier, Frédéric Guilleray, Gégoire Borst, Mickaël Desnos, Les neurosciences cognitives dans la classe, ESF Sciences Humaines, 2018. C’est moi qui souligne.
III- Comment apprendre ? Les processus d'apprentissages
Jusqu’à présent, j’ai examiné brièvement les processus engagés dans l’apprentissage des langues secondes. Il me reste maintenant à faire connaître la place de la mémorisation dans cet apprentissage.
Malgré les passions que suscitent l’évaluation notée, les études ont prouvé que les élèves mémorisent mieux les leçons quand ils sont testés sur leur contenu. De plus, « la simple relecture d’un cours, même à plusieurs reprises, ne signifie pas apprendre ».[1] J’ajouterai également qu’il est primordial de refaire les exercices pour tester efficacement ses connaissances, car en langues étrangères, il ne s’agit pas uniquement de « savoir » mais de « savoir-faire ». Trop nombreux sont les élèves qui pensent qu’une relecture suffira à intégrer les informations. Or la consolidation des connaissances en mémoire passe inévitablement par la pratique.
Malgré les passions que suscitent l’évaluation notée, les études ont prouvé que les élèves mémorisent mieux les leçons quand ils sont testés sur leur contenu. De plus, « la simple relecture d’un cours, même à plusieurs reprises, ne signifie pas apprendre ».[1] J’ajouterai également qu’il est primordial de refaire les exercices pour tester efficacement ses connaissances, car en langues étrangères, il ne s’agit pas uniquement de « savoir » mais de « savoir-faire ». Trop nombreux sont les élèves qui pensent qu’une relecture suffira à intégrer les informations. Or la consolidation des connaissances en mémoire passe inévitablement par la pratique.
Pour combattre l’oubli, l’élève doit pouvoir étudier la même notion à plusieurs reprises. C’est au prix de cette répétition dans le temps de l’apprentissage que les élève acquièrent des connaissances qu’ils pourront mobiliser des années plus tard. [1]
[1] Jean-Luc Berthier, Frédéric Guilleray, Gégoire Borst, Mickaël Desnos, Les neurosciences cognitives dans la classe, ESF Sciences Humaines, 2018.
Voici quelques informations clés à propos de nos mémoires. Il y a 5 types de mémoires au total mais je n’en détaille que trois ci-dessous, en lien avec l’apprentissage des langues.
Application pour l’apprentissage de l’anglais. L’acquisition d’une compétence linguistique suit plusieurs étapes :
Ces étapes sont très bien décrites dans la théorie d’acquisition de compétences : The Skill Acquition Therory.
- L’explication et l’apprentissage explicite d’une règle.
- La pratique régulière et répétée de cette règle en contexte via des exercices.
- Cette pratique régulière conduit au développement d’automatismes.
- Ce nouvel apprentissage – au départ explicite – devient automatique et est stocké dans la mémoire procédurale.
Ces étapes sont très bien décrites dans la théorie d’acquisition de compétences : The Skill Acquition Therory.
“The Skill-Acquisition Theory suggests that learners need to be taught explicitly and need to practice the various grammatical features and skills until they are well established.”[1]
[1] Alessandro G. Benati & Tanja Angelovska, Second Language Acquisition, Bloomsbury Academic, 2016.
Cela explique pourquoi « write » se prononce /raɪt/ mais ‘written’ /ˈrɪtn/. En effet, avec ses 2 T, le mot written ne respecte pas cette règle. Pour un anglophone, il est intuitif de savoir prononcer « write » /rait/ et « written » /ritn/. Mais pour un français, cela est loin d’être évident. Ainsi, il est nécessaire d’apprendre cette règle, de la pratiquer et de totalement l’automatiser (mémoire procédurale). Ce processus peut être schématisé de la façon suivante :
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